Novaris, port bruissant de récits guerriers où chacun commente combats, pillages, butins, victoires et défaites. Dans les tavernes, les hommes alimentent leur légende entre deux pintes et quelques plaisanteries grasses aux quelques filles éreintées qui font le service. Pas un pour s'apercevoir que la serveuse recueille quelques mots chuchotés par une autre, qu'elle colporte aussitôt à une troisième, laquelle s'éclipse discrètement.
Insidieusement, la rumeur se répand. Dans les bouges, les champs, les maisons. En Français, en Anglais, en Espagnol, en Créole, en dialectes Africains.
Filles de joies exploitées, épouses battues, ouvrières des champs de canne, esclaves, petites voleuses à la tire, mendiantes, elles se passent le mot. Une fille recrute, rassemble, promet richesse et vengeance. Se remplir les poches et rendre aux mâles quelques-uns des coups reçus. Toutes ont au ventre leur lot de haine et leurs rêves cassés.
Les drôlesses se répètent qu'un petit groupe a déjà rançonné des paysans et pris d'assaut un cotre. Peu de choses, pas de quoi agiter les tavernes ni les autorités, mais il ne leur en faut pas plus, à ces femelles, pour s'enfuir à la brune et chercher à rejoindre la meneuse. Chaque matin, il y a une case vide, un dortoir abandonné, un lit froid, une donzelle manquant à l'appel.
Les filles, à leur tour, réclament leur part du gâteau. Et elles ont grand-faim.