Malory O’Higgins, effectuait chaque après midi de longues promenades le long de la côte. Il était en convalescence de plusieurs blessures reçues lors de l’abordage qui lui avait coûté son navire. Muni de sa longue vue, il effectuait de fréquentes haltes tant pour se reposer – une blessure à la cuisse gauche le faisait souffrir – que pour observer les navires au large de Yellen. Depuis la veille, il avait repéré un cotre à quelques nautiques, lequel, voiles carguées tirait sur son ancre. Comme le jour précédent, il n’y avait aucun signe de vie à son bord.
O’Higgins qui s’était penché pour s’appuyer à un muret afin de stabiliser sa lunette se redressa, referma sa longue vue et l’enfouit dans la poche de sa vareuse. Il se caressa la barbe de la main gauche – signe chez lui de réflexion – puis, ayant pris une décision, repris en clopinant le chemin pour rentrer à l’auberge « Au chien jaune » où il louait une chambre.
Le lendemain, dès proton-minet, il se rendit sur le port où il fit l’acquisition d’une simple barque. Il parcourut ensuite les tavernes et autres estaminets où il recruta deux matelots et quatre malandrins. Rendez-vous fut pris pour le lendemain matin dès l’aube où tous devaient se retrouver à l’embarcadère avec leurs armes.
Le jour pointait quand ils se retrouvèrent tous – étonnant que pas un ne manque - mais Malory avait précisé qu’il paierait à chacun une pièce d’or au lieu du rendez-vous et deux autres de retour au port.
Dans l’aube naissante, le groupe embarqua dans l’esquif. Les avirons furent mit en place dans les tolets.
- Débordez – Souquez !
O’Higgins se tenait à l’arrière. Il donna les ordres pour sortir du port.
- Bâbord sciez !
- Souquez des deux bords - Ferme !
La barque franchit l’abri des deux môles et se mit à danser dans la houle du large.
- Bâbord sciez – Les deux bords souquez !
Le canot pointait maintenant dans la direction du cotre que Malory avait longtemps observé depuis la côte.
- Souquez ferme les gars. Encore trois quarts de mille et nous y seront.
Malgré sa blessure à la jambe, Malory se leva, jambes semi écartées pour garder l’équilibre. Le cotre était parfaitement visible dans le soleil naissant. Toujours aucune activité de visible à son bord.
Le temps passait. Dans la chaloupe, seul les grincements des tolets et les ahanements cadencés des hommes rompaient le silence. Le cotre n’était plus qu’à un jet de biscuit. Le canot fut bientôt dans son ombre.
- Rentrez les avirons. Préparez vous à aborder.
Les coques vinrent au contact. L’homme à l’avant crocha avec une gaffe dans les porte-hauban du cotre.
- En avant !
L’équipage se rua, O’Higgins rejoignit avec un peu de retard – heureusement qu’il ne s’agissait que d’un cotre dont le bordé était à hauteur d’homme – mais il constata en prenant pied sur le pont que ses hommes s’étaient immobilisés et l’attendaient.
- Il n’y a personne Capitaine. Lucas est descendu par le panneau d’écoutille, il n’y a personne en bas.
- Parfait messieurs, ce navire est donc nôtre. Faisons donc le tour du propriétaire. Vous deux, restez ici et veillez au grain. Prévenez à la moindre approche.
L’état des lieux fut rapide – un cotre n’est pas si vaste – et Malory constata avec plaisir qu’il était en parfait état qu’il s’agisse de la coque où des gréements, mais totalement vide ! Rien, ni vivre ni quoi que ce fut d’autre. Il remonta sur le pont.
- Bien ! Messieurs, nous allons lever l’ancre et mettre à la voile pour rentrer au port. Vous recevrez votre dû comme promis dès que nous serons à quai. L’un de vous a t-il vu le nom qui est inscrit sur le tableau de poupe ?
- Oui capitaine c’est « Coucou ».
- Ha ha ha ha ! Coucou est le nom d’un oiseau qui s’installe dans le nid des autres. C’est bien ce que nous venons de faire, mais ce nom ne me convient pas. Dorénavant, ce sera le « Dolphin » . Allons les gars, vous deux relevez l’ancre. Les autres déferlez la grand-voile et le foc.
Quand les voiles furent établies, le « Dolphin » puisque tel était maintenant son nom, courut tribord amure et entra rapidement à l’abri du port. Dès que les voiles furent ferlées et le cotre à quai, Malory remis à chacun les deux pièces d’or promises.
- Nous sommes quitte. Leur dit-il.
- Je vais enrôler un équipage et vous pouvez en faîte partie si vous le souhaitez. Vous serez alors payés en part de prise. Y en a t-il que ça intéresse ?
Un seul refusa qui prit congé et disparu en direction des tavernes qui bordaient les quais, sans doute pour y dépenser ses trois pièces d’or à boire pensa Malory.
- Vous voilà donc tous membre de ma compagnie – et à celui qui avait lu le nom du navire – Toi ! Quel est ton nom ?
- Ffoulkes, capitaine. Thomas Ffoulkes !
- Eh bien Monsieur Ffoulkes voici quelques pièces. Allez à terre. Achetez un écritoire, une rame de papier, des plumes et de l’encre. Revenez ensuite à bord et rédigez nous un rôle d’équipage. Inscrivez y les noms de ces messieurs. Je vais faire la tournée des tavernes en recruter d’autres puis j’irai acheter quelques vivres pour le bord.
Mar 19 Avr - 17:18