Incroyable ! La chienlit de tout poil ose désormais s'en prendre aux meilleurs remparts contre le désordre !
Je patrouillais aux alentours de l'île de la Lanterne, à bord de l'Arrogant, fier et fidèle destrier de mes corsaires depuis des années, quand brusquement, surgi d'une petite crique abritée, un pendard nous coupe la route sans vergogne. Je m'apprêtais à lui faire les sommations d'usage, mais le cuistre nous tire une bordée illico. C'est à ce moment que j'aperçois les couleurs de la flibuste. La Revanche qu'il se nomme, un brick solidement armé, commandé par un certain Barbe Noire...
Riposte implacable de mes corsaires, nouvelle bordée du présomptueux, nouvelle riposte...
En inspectant les ponts de notre adversaire, je constate avec joie qu'ils sont peu nombreux, à peine moitié moins que nous. Il ne manque pas d'aplomb, ce fils de Satan...
Sûr de mon fait, j'ordonne le feu à volonté et les échanges de tirs se succèdent dans un vacarme assourdissant, mettant à mal nos deux navires. Bientôt plusieurs canons sont inutilisables et je me dis qu'il doit en être de même pour le flibustier. Mais là, surprise, ses hommes remplacent sans relâche les bouches à feu défectueuses et maintiennent le tir nourri sur l'Arrogant...
Déjà, les rangs de mes braves corsaires s'éclaircissent dangereusement, alors que les pirates semblent subir bien peu de pertes, nos canons lâchant les uns après les autres. Une dernière bordée vient faucher cinq hommes à mes côtés, dont Lachair mon fidèle second... Cette fois, la situation me saute aux yeux : nous allons nous faire massacrer sans même pouvoir défendre nos chances. L'état de la coque nous interdit toute chance de retraite...
C'est à cet instant où le désespoir commence à m'envahir qu'un nouveau pavillon apparaît au grand mât de La Revanche : il nous laissera la vie sauve si j'accepte de me rendre sans conditions... Quel cruel dilemme pour le chasseur de pirates que je suis, après tant d'années de lutte et tant de succès. Il me faut choisir entre l'humiliation et l'inévitable sacrifice de mes hommes... Car je le sais, l'impudent ne manquera pas de faire connaître mon déshonneur...
J'ai choisi la vie de mes corsaires...